“…Je me lève avec la page que l’on tourne, je me couche avec la page que l’on couche.
Pouvoir répondre: ‘Je suis de la race des mots avec lesquels on bâtit les demeures’, sachant pertinemment que cette réponse est encore une question, que cette demeure est menacée sans cesse.
” J’évoquerai le livre et provoquerai les questions.
” Si Dieu est, c’est parce qu’Il est dans le livre; si les sages, les saints et le prophètes existent, si les savants et les poètes, si l’homme et l’insecte existent, c’est parce qu’on trouve leurs noms dans le livre. Le monde existe parce que le livre existe; car exister, c’est croître avec son nom.
” Le livre est l’oeuvre du livre. Il est le soleil qui enfante la mer, il est la mer qui révèle la terre, il est la terre qui sculpte l’homme; autrement soleil, mer, terre et homme seraient foyer de lumière sans objet, eau mouvante sans départs ni retours, luxuriance des sables sans présence, attente de chair et d’esprit sans voisinage, n’ayant pas de correspondant, n’ayant ni doubles ni contraires.
” L’éternité égrène l’instant avec le verbe.
” Le livre multiplie le livre.(…)”
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Fonte: JABÈS, Edmond. “Le Livre des Questions (1)”. Paris, Gallimard, 1964, p.36-37. Saber mais: Jabès.
E para os francófonos, deixo Jabès na Universalis.